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Prédication du 08 novembre 2020 par C.Desplanque

Lire 1 Rois 18,16b-40.

Voilà un récit haut en couleurs, digne d’un film à grand spectacle.le feu descend du ciel et embrase l’autel préparé par Elie devant tout Israël. Avez-vous déjà imaginé que la puissance de Dieu se révèle ainsi aux êtres humains?Que tous les peuples soient obligés de confesser, de reconnaître le Seigneur et de l’adorer? Et qu’ainsi, tous les incrédules, tous les idolâtres, soient confondus et rendent gloire au seul vrai Dieu…

C’est le but du prophète Elie qui ne supporte pas l’infidélité d’Israël, son adoration du Baal, l’idole cananéenne qui fascinait parce que Baal, Dieu de l’orage, apportait la pluie et la fertilité, garantissait l’abondance des récoltes et des troupeaux. Baal, c’était un peu le dieu de la prospérité et de la sécurité économique, et reconnaissons qu’il règne de plus belle aujourd’hui. Elie va donc implorer Dieu pour qu’il vienne battre Baal sur son propre terrain. Qui détient véritablement le feu du ciel, autrement dit la foudre? Les prophètes de Baal, ce Dieu cananéen, auront beau l’implorer, il ne pourra mettre le feu à l’autel qu’ils lui ont préparé. Alors que le feu du Seigneur s’abattra sur l’autel érigé par Elie.

Elie l’emporte donc seul contre tous!Comme un héros de film d’action auquel on aimerait peut-être s’identifier. Mais le chapitre 19 nous montre un tout autre visage du prophète que celui du chapitre 18.

Elie au Carmel

Lire 1 Rois 19,1-18

Au chapitre 18, nous avions un Elie plein d’énergie, d’audace, de conviction, de foi. Seul contre tous, il finissait par obtenir l’adhésion de tous. Et voilà qu’à la nouvelle que loin de se convertir, loin d’abandonner le culte des Baals et de revenir à l’alliance avec Dieu, Jézabel, l’épouse du roi Achab, veut le punir et le faire tuer. Elie, qui a fui au désert, s’effondre, s’épuise émotionnellement. Il n’a plus la flamme, si j’ose dire, cette flamme qui a allumé le bûcher de son sacrifice sur le Carmel.

Il ne peut plus faire face à la menace, il fuit au désert.

Il ne peut plus jouer de rôle public, il doit se mettre à l’écart.

Il n’espère plus rien, n’attend plus rien, il demande à mourir.

Lui le champion de la bonne cause, il se déprécie, fait un constat d’échec, je ne vaux pas mieux que mes Pères.

Il a une vision négative des événements qui lui fait perdre de vue la réalité,il s’imagine être le seul fidèle à Dieu, alors que, comme le Seigneur le lui révèlera, plus de 7000 hommes ont refusé d’adorer Baal.

Elie présente tous les symptômes de ce mal que l’on appelle aujourd’hui la dépression.

Est-ce vraiment le même homme? Que s’est-il donc passé? Elie, nous ne le reconnaissons plus. Et il ne se reconnaît plus lui-même. Mais essayons de comprendre avant de conclure à une contradiction liée à l’utilisation de sources différentes par le rédacteur du livre des Rois, comme je l’ai lu récemment dans un ouvrage savant, argument qui a l’inconvénient de prendre le rédacteur pour un idiot. Pour cela, il faut revenir en arrière, au récit du mont Carmel.Elie supplie Dieu de lui répondre, afin que tous sachent que c’est par sa Parole qu’il a agi. Mais tout au long de cette sorte de «match» religieux, Dieu se tait. Vous l’avez remarqué&a? Dieu certes a envoyé le feu, mais Dieu ne parle pas. Dieu ne demande pas davantage à Elie de faire égorger les 450 prophètes de Baal, pas plus qu’il ne lui a d’ailleurs demandé de convoquer Israël pour cet affrontement du Mont Carmel. Comme si le Seigneur d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le libérateur, le Dieu de Moïse laissait à Elie la responsabilité de l’avoir engagé dans une sorte de compétition, pour être reconnu encore plus fort que Baal.D’avoir fait de lui, en quelque sorte, un «super-Baal» encore plus apte que l’idole de Canaan à répondre aux aspirations de prospérité, de richesse, de santé des israélites.

C’est humain, de vouloir l’emporter contre l’adversaire à tout prix, quitte à user des armes qui ont tellement de succès aujourd’hui, comme les démonstrations de force et autres images spectaculaires. Cela vaut pour les meetings politiques, et pourquoi pas pour ce meeting religieux du Mont Carmel ? Mais il faut bien reconnaître que l’initiative du prophète n’a pas beaucoup fait avancer la cause de son Dieu en Israël. L’enthousiasme du peuple d’Israël témoin du miracle du Mont Carmel n’a été que de courte durée. Elie n’obtient en retour de son zèle violent que les représailles de Jézabel, l’épouse phénicienne du roi Achab qui a introduit le culte de Baal en Israël. Le voilà contraint de fuir, de se cacher misérablement au désert.

Elie au désert

Comme le dit l’apôtre Jacques dans sa lettre, «la colère de l’homme n’accomplit pas la justice de Dieu».La violence sur fond d’intransigeance religieuse, de volonté de défendre l’honneur de Dieu, a comme vous le savez provoqué de terribles attentats dans notre pays, depuis 2015. Et les dernières victimes de ce fanatisme violent, qui instrumentalise le nom de Dieu bien plus qu’il ne le sert ni l’honore, ce n’étaient pas des prêtres de Baal, mais un enseignant d’un collège public, ou des fidèles d’une Eglise de Nice, ou des passants à Vienne. Les assassins s’en prennent à leurs victimes au cri de «Dieu est grand». C’est vrai, Dieu est grand, mais leurs actes ne manifestent certes pas sa vraie grandeur. Pas plus que la mise à mort des 450 prêtres de Baal n’avait manifesté la Sainteté du Dieu d’Israël.

Elie n’est plus en état de lutter, découragé, déprimé, lui qui ressasse le même discours désabusé, qui ne demande plus qu’à mourir. Mais si Elie ne connaît pas le sort tragique et prévisible des extrémistes et des fanatiques, c’est parce que Dieu le rejoint, et lui parle. Dieu prend finalement la parole. Et cette parole vient mettre fin à ses illusions de toute-puissance. Quelqu’un a écrit que la violence est l’ennemie de la parole,la violence, c’est ce qui arrive quand il n’y a plus de parole, plus de mots, elle s’oppose à toute parole. Car si je parle à l’autre, et si je l’écoute, alors l’autre n’est plus l’objet que je veux m’approprier en le détruisant, il est ce vis-à-vis, qui se tient à juste distance, et me rappelle ainsi qu’il est un autre moi-même et un autre que moi-même. Alors que la violence, c’est ce qui ramène l’autre à moi. Je t’agresse et je te détruis car tu n’as pas le droit d’être, de penser et d’agir autrement que moi.

Dieu va venir à bout de la violence d’Elie. Et tout d’abord de la violence qu’Elie a fini par retourner contre lui-même, lui qui, découragé, voulait mourir. Avec ces simples mots de l’ange lève-toi, et mange, autrement dit, «ressuscite», Dieu permet à Elie de quitter cette pulsion de mort et d’autodestruction, de retrouver le désir de vivre. Après avoir resitué Elie dans une juste relation à lui-même, une relation pacifiée, La 2e parole du Seigneur, au mont Horeb, est une question qui le replace dans une juste relation à Dieu : « que fais-tu ici Elie ? » C’est une parole qui permet à l’homme perdu, l’homme qui s’était presque pris pour Dieu lui-même, en voulant rétablir à lui tout seul la vraie religion en Israël, de se rappeler qu’il est devant Dieu, sur la montagne Sainte, d’où Dieu parle.

Car Dieu parle. Mais Elie perçoit que Dieu ne se tient pas dans la feu, dans le vent, dans la tempête, dans ces manifestations dont le spectaculaire avait entraîné une adhésion aussi enthousiaste que passagère dans les rangs du peuple rassemblé au mont Carmel. Dieu parle dans la voix d’un fin silence, dans un murmure ténu, à peine perceptible. Dieu a renoncé à toute violence. Ici déjà est annoncé Jésus le Christ, lui, le serviteur, la parole de Dieu qui accepte d’être mis à mort, rejeté, humilié, qui accepte de subir notre violence pour nous en délivrer. Le sang de Jésus-Christ nous parle, il est la proclamation à nos oreilles et à nos cœurs de l’amour et du pardon de Dieu. Il est versé pour la multitude, pour le pardon de notre péché. La violence est ainsi vaincue par l’amour de Dieu, qui a choisi de nous parler par le Christ. Dieu qui a choisi d’accomplir son projet de salut, de guérison des nations, de réconciliation, de recréation, non pas dans l’impuissance mais dans la non-puissance de Jésus-Christ crucifié. C’est dans ce qui est faiblesse aux yeux des hommes et des violents que la toute-puissance de Dieu s’accomplit.

Cette puissance, c’est celle d’une Parole. Cette Parole qui nous dit:lève-toi, mange, qui nous la répète aussi quand nous peinons à l’entendre. Quand nous sommes trop endormis, trop découragés, trop déçus de nous-mêmes et des autres, trop morts, quoi, pour entendre une Parole de vie. Voilà l’arme que Dieu a choisie pour vaincre le mal. Cette Parole si fragile et si puissante en même temps qui nous est confiée, que nous pouvons laisser agir en tant d’occasions. Si nous nous confions en nous-mêmes, en nos forces, ou même si nous pensons que nous pouvons avoir mainmise sur Dieu et sa puissance, nous ferons à notre tour cette expérience du dépouillement, du découragement. Si nous laissons le Seigneur nous nourrir et nous conduire, alors nous pourrons passer tous les épreuves et tous les obstacles, comme Elie qui a pu marcher 40 jours dans le désert, nourri par l’amour de Dieu, nourri par la compassion de ce Dieu qu’il ne voyait pas mais qui lui a parlé dans le silence d’un murmure léger. Nous pourrons alors laisser aller nos rêves et entrer dans la vérité du Seigneur, passer en quelque sorte du Mont Carmel au Mont Horeb.

Aujourd’hui si nous entendons la voix du Seigneur, laissons-la nous guérir, nous relever et nous pacifier ! Laissons Dieu agir tout simplement, en le laissant nous parler et parler par nous.

Amen.