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prédication du 01 novembre 2020 à la maison du protestantisme par C.Desplanque

Prédication sur le Psaume 42. Culte pour les fatigués et chargés. Alès, 1er novembre 2020.

1 Du répertoire du chef de chorale. Poème chanté appartenant au recueil de la confrérie de Coré.

2 Comme une biche soupire après l'eau du ruisseau,  moi aussi, je soupire après toi, ô Dieu.  3 J'ai soif de Dieu, du Dieu vivant.  Quand pourrai-je enfin entrer dans son temple,  pour me présenter devant lui ? 4 Jour et nuit, j'ai ma ration de larmes,  car on me dit sans cesse : « Ton Dieu, que fait-il donc ? »

5 Je veux laisser revenir les souvenirs émouvants  du temps où j'avançais en tête du cortège  vers la maison de Dieu, avec la foule en fête,  criant à Dieu sa reconnaissance et sa joie.

6  A quoi bon me désoler, à quoi bon me plaindre de mon sort ?  Mieux vaut espérer en Dieu et le louer à nouveau,  lui, mon Sauveur et mon Dieu !

7 Au lieu de me désoler, je veux m'adresser à toi, ô Dieu,  de l'endroit où je suis, aux sources du Jourdain,  près du Mont-Petit dans les montagnes de l'Hermon. 8 Tu fais gronder les torrents, un flot en appelle un autre,  tu les fais tous déferler sur moi, je suis complètement submergé. 9 Que le Seigneur me montre sa bonté, le jour,  et je passerai la nuit à chanter pour lui,  à prier le Dieu qui me fait vivre. 10 Je veux dire à Dieu, à mon Rocher :  « Pourquoi m'as-tu oublié, pourquoi dois-je vivre accablé,  pourquoi laisses-tu mes ennemis m'écraser» 11 Me voilà complètement brisé par leurs insultes,  quand ils me disent sans cesse : « Ton Dieu, que fait-il donc ? »

12 A quoi bon me désoler, à quoi bon me plaindre de mon sort ?  Mieux vaut espérer en Dieu et le louer à nouveau,  lui, mon Sauveur et mon Dieu !

Puisque l'auteur de ce Psaume évoque des souvenirs qui le remplissent d'émotion, je voudrais en évoquer un avec vous. Il ne s'agit pas d'un souvenir de cortège ou de procession vers le temple, au milieu d'une foule toute joyeuse, mais de quelques moments bénis vécus avec une vieille dame chez elle, autour de la Parole de Dieu, il y a pas mal d’années. Elle s’appelait Germaine. Elle ne pouvait pas se rendre au temple de la paroisse où j’étais pasteur. La vieillesse et son lot de handicaps l'en empêchait, elle ne pouvait pas se joindre à l'assemblée pour chanter et adorer Dieu, pour écouter sa Parole. Alors c'était l'assemblée qui allait vers Germaine. J’amenais un micro avec ampli et haut-parleur chez elle, parce qu'elle entendait très difficilement. Et le culte se déroulait ainsi, nous étions 7 ou 8 à l'entourer chaque mois. Et aujourd’hui encore, malgré les contraintes sanitaires, internet nous aide à nous rapprocher les uns des autres, à vivre ensemble ce moment précieux de rassemblement en présence du Seigneur.

Germaine chérissait ce Psaume que nous venons de lire et que nous avons chanté tout à l'heure. C'est peut-être parce qu'elle se retrouvait bien dans cette soif du Psalmiste. «J'ai soif de toi, de ta présence, Seigneur».

J'aimerais bien me tenir devant toi, dans ton temple, à Jérusalem, mais j'en suis empêché. Le psalmiste crie, parle depuis les frontières du pays d'Israël, au Nord, il va bientôt quitter son pays bien-aimé, emmené prisonnier par des ennemis d'Israël, déporté, captif, et avec cette immense souffrance de se sentir séparé du lieu où il pourrait rencontrer Dieu, comme il le faisait dans sa jeunesse. Avec, ajoutée à la souffrance de devoir quitter sa terre, la moquerie des ennemis, des soldats qui le gardent avec ses compagnons d’infortune : ah ah, mais que fait-il donc, ton Dieu, pourquoi ne vient-il pas te délivrer, vaincre nos dieux à nous, pourquoi n'intervient-il pas ? On le sait bien, quand on est dans la peine, il y a des paroles qui peuvent nous porter, nous soulever, il y en a de mauvaises qui peuvent nous enfoncer davantage.

Cet homme qui prie, le psalmiste, est donc prisonnier, déporté, disions-nous. On peut être prisonnier de beaucoup de choses : de l'âge, de la maladie, d’un handicap, d’une addiction. Nous sommes depuis peu à nouveau privés d’une liberté totale de déplacement. Et cela ne fait qu’attiser notre désir de sortir, de retrouver nos proches.. Mais ce qui manque le plus au psalmiste, c’est encore plus que la liberté que l’exil lui a enlevé. C’est la présence de Dieu. Ce manque lui semble aussi intolérable que la sensation de manque la plus dure physiquement, la soif. Je suis comme une biche qui cherche désespérément un point d’eau.

Et nous, avons-nous soif de Dieu? Encore un souvenir personnel:un jour d'été dans le midi, nous étions invités ma famille et moi chez un monsieur qui nous avait servi un rafraîchissement. Il faisait chaud mais comme je n’avais pas soif j’ai décliné poliment le rafraîchissement qu'il me proposait. Il m'a regardé, je devais avoir 14 ou 15 ans, et il m'a dit : "toi, pour refuser comme ça une boisson, tu n'as jamais eu vraiment soif". Et comme j'étais un peu étonné, il m'a raconté qu'il avait séjourné dans le désert du sahara et qu'il était parfois resté longtemps sans pouvoir se désaltérer, qu’il avait cruellement souffert de la soif. Et bien peut-être qu'il en est de même pour notre vie spirituelle que pour notre gosier. En hébreu, le mot qui désigne l’âme désigne aussi la gorge !

On ne va pas boire à la source d'eau vive si l'on n'a pas soif. Parce que l'on pense que tout ce que nous avons déjà nous suffit. Alors Dieu, que peut-il m'apporter ??

Mais là, dans ce malheur qui le submerge comme un torrent, le psalmiste est pris d’une soif profonde de la présence de Dieu, comme une biche qui cherche l'eau du ruisseau. Et peut-être que cette soif, ce manque qu’il éprouve, c’est déjà un don de Dieu. Parce que cette soif fait naître en lui un manque, un désir de vie.

Même s'il est éloigné du temple de Dieu à Jérusalem, loin de ce lieu sacré où le peuple se rendait pour prier, le psalmiste sait qu'il peut parler à Dieu. Là où il se trouve. Et à la question moqueuse de ses gardiens, qui le voient peut-être agenouillé dans la poussière, en direction de cette Jérusalem qu'il ne reverra plus, "mais où est-il ton Dieu ?", "que fait-il donc pour toi ?", peut-être en lui-même le psalmiste répond-il : mais il m'entend, il m'écoute, il me voit, il me connaît... Et je peux toujours espérer en lui. Comme cette la vieille dame dont je vous parle, Germaine, qui savait qu'elle pouvait s'adresser à Dieu de ce fauteuil et de ce lit qu'elle ne quittait plus dans les derniers temps de sa vie.

«Où est ton Dieu?». Cette question, il n’y a pas que les moqueurs qui la posent. Elie Wiesel, le célèbre auteur juif, raconte dans son livre poignant sur la déportation, La Nuit ,  qu’au camp de concentration de Buna où il se trouvait avec son père, les SS avaient condamné et pendu devant les prisonniers rassemblés deux hommes juifs et un adolescent pour une tentative d’évasion. Les deux adultes moururent rapidement, mais l’agonie de l’adolescent dura une demi-heure. Comme l’adolescent se débattait au bout de la corde, écrit Elie Wiesel qui assistait également à cette scène épouvantable et interminable, quelqu’un, qui se trouvait derrière lui, demandait : « où est Dieu ? ». La même question que celle qui venait harceler le psalmiste, mais de façon encore plus terrible et pressante, parce qu’elle ne venait pas d’un moqueur mais d’un homme révolté par l’horreur dont il était le spectateur impuissant. Et Wiesel en lui-même a entendu une voix répondre en lui : « où est Dieu ? Il est ici. Il est pendu au gibet ». Et nous pouvons ajouter : Oui, c’est en Christ, nous pouvons le dire, que Dieu s’est fait homme, en Christ, Dieu lui-même est venu au cœur de toutes les souffrances humaines pour les habiter, avec nous. En Christ, Dieu a été pendu au gibet. Dieu a connu l’agonie de Gethsémané, et la souffrance du Golgotha. Jésus a rejoint toutes nos souffrances en disant sur la croix : « j’ai soif ».

Alors aujourd'hui, de là où tu es, tu peux crier vers Dieu, parce que Dieu est là, présent à tes côtés, au cœur de ta souffrance, de ta peine. Tu as parfois peut-être l'impression qu'il t'a oublié, abandonné, qu'il ne fait rien pour toi. Qu'il ne peut rien faire parce que tu as des ennemis trop puissants et arrogants, qui s'appellent la maladie, le handicap, le chômage, le grand-âge, la solitude, l'incertitude de l'avenir, le deuil…

Mais sais-tu que Jésus a éprouvé lui aussi ce sentiment d'abandon sur la croix : "Mon Dieu, mon Dieu... pourquoi m’as-tu abandonné?». Ce sentiment de déréliction, la pire souffrance que l’on puisse éprouver, une des souffrances les plus primales, les plus primitives, les plus enracinées au fond de notre esprit, celle du petit enfant en nous, totalement dépendant, qui a peur que ses parents ne soient plus là pour prendre soin de lui. Ce scandale qui rendait encore plus insupportable à l’homme qui se tenait derrière Wiesel l’horrible spectacle de l’agonie d’un jeune adolescent.

Oui ce sentiment d’abandon, notre Seigneur l'a subi aussi. Et pourtant il s'est remis jusqu'au bout, en confiance, aux mains du Père. Alors si tu te sens toi aussi comme exilé, loin de Dieu, commence par l'appeler et il te répondra. Mais as-tu soif de lui ? Si oui, tu peux venir boire à la source. Blaise Pascal disait : qui cherche Dieu l'a déjà trouvé. C'est l'expérience qu'a faite l'auteur de ce Psaume. Il commence par dire : «j'ai soif de Dieu», et termine sur une parole d'espérance et de lumière : pourquoi me plaindre de mon sort, pourquoi me lamenter? je peux me redresser et compter sur le Dieu vivant, il est mon espérance !

Germaine, cette vieille dame dont je parlais, avait demandé à ses proches de ne pas la pleurer le jour où elle partirait. Peut-être pour la même raison que le psalmiste qui se dit à lui-même qu'il ne sert à rien de se désoler. Notre Dieu est le Dieu vivant, et nous savons qu'il est plus fort que la mort elle-même, puisque Jésus est ressuscité.

AMEN.