Prédication du 07 février Christophe DESPLANQUE
Deutéronome 30,15-20.
«Je mets devant toi la vie et la mort. Choisis la vie».
Voilà un ordre bizarre! Parce que personne n'a choisi de vivre, et personne ne peut s'empêcher de mourir un jour. Et puis, qui aurait envie de choisir la mort et le malheur plutôt que la vie et le bonheur? ça tombe sous le sens. Mais il est vrai que l’ordre qui est donné ici est aussi une promesse, comme un acte de confiance du Seigneur envers son peuple le Seigneur dit à Israël.j’ai fait alliance avec toi, il y entre nous un pacte de confiance mutuelle, et tu choisiras la vie, le chemin de vie, qui consiste à me faire confiance, à écouter ma Parole. La vie ici, c’est aimer l’autre, cet autre qu’est Dieu, c’est donc le refus de l’enfermement. Il y a vie quand il y a écoute, rencontre et amour de l’Autre.
Choisis la vie… Dieu choisit de son côté de faire confiance et de nous placer en situation de responsabilité. Il fait le premier pas mais cela ne fait pas de nous ses marionnettes, au contraire. Nous voilà au défi de répondre, en choisissant la vie et ce n’est pas si évident que cela. Non, choisir la vie, ce n’est pas forcément le plus facile. Il faut d’abord admettre que la vie est un cadeau, un trésor de grande valeur, et certains estiment que la mort peut parfois être préférable. Pensons à ceux qui mettent fin à leurs jours, tout en nous gardant bien de les juger. Et il est bien des situations où l’on préférerait la mort Quand une personne devient trop dépendante, trop malade, trop souffrante ? Voire quand, à l’autre bout de l’existence, on parle d’interrompre la vie de l’enfant qui n’est pas encore né ou tout juste conçu… Parce qu’il s’avère porteur d’une maladie incurable, d’un handicap insurmontable, ou du fait d’arriver dans des conditions jugées trop difficiles? Choisir la vie, décidément, préférer la vie, ce n’est pas si simple… Et nous devons prier, accompagner notamment ceux qui ont à faire des choix difficiles, ou même écrire la loi dans ces domaines.
Pour Esaü, choisir la vie, c’est obéir à des besoins vitaux. Il se sentait défaillir, le pauvre. Il a préféré manger les lentilles et abandonner son droit d’aînesse que de risquer de se trouver mal il a sacrifié cette bénédiction transmise de génération en génération. Instinct de vie que la science explique très bien, avec la partie la plus primitive de notre cerveau qui nous pousse à préférer la récompense rapide, la satisfaction immédiate, plutôt que la patience d’attendre et d’endurer l’effort pour obtenir quelque chose de plus précieux, d’accepter le manque qui vient creuser en nous le désir. C’est ce cerveau «limbique», primitif, que nos smartphones, tablettes et autres écrans, la télévision, la publicité et parfois la propagande manipulent à coup de sexe, de violence, et autres moyens pour nous conditionner, nous empêcher de réfléchir, et de choisir librement.
Ne jetons pas trop vite la pierre à Esaü. Quand nous voyons le mépris dans lequel nous tenons si facilement les trésors de la grâce de Dieu, combien nous sommes prêts, c’est vrai, à faire l’impasse sur un moment de méditation ou de prière, seul ou avec les autres, pour sacrifier à tel ou tel loisir ou plaisir… C’est à croire qu’il nous faudrait être privés du droit de lire la Bible, de nous réunir pour adorer Dieu, de la liberté de croire et de témoigner de son amour, pour mesurer de quel bonheur nous aurions été ainsi privés! De même que bien plus tard Esaü versera des larmes amères quand il s’apercevra que Jacob lui a subtilisé la précieuse bénédiction du père.
«Choisis la vie». En retournant cette recommandation un peu bizarre dans ma tête, j'ai repensé à un film américain sorti en 1992 et s'intitule dans la version française Les Evadés. Un homme, innocent du crime pour lequel il a été condamné, s'évade d'une prison très dure après y avoir passé 19 années. Mais peu avant de s'enfuir, il a laissé au meilleur ami qu'il se soit fait en prison une consigne : quand tu auras purgé ta peine, va à tel endroit, creuse, et dans le sol tu trouveras de ma part un message.
L'ami en question sort enfin quelques mois plus tard, en liberté conditionnelle ; il se retrouve dans un foyer, avec du travail, mais il n'est pas heureux pour autant. Cela faisait 40 ans qu'il était emprisonné, et il ne supporte pas de devoir désormais vivre librement, cela lui fait trop peur. En prison, tout était réglé, on décidait à sa place quand il devait se lever, quand il devait manger, s'habiller, se coucher, travailler. Tout était écrit, décidé pour lui, un peu comme notre instinct de mammifère décide pour nous. Il dépendait complètement de ses gardiens et du règlement. Il n’avait qu’à se laisser porter.
Alors, effrayé par tous les dangers de la vie au-dehors, il envisage de commettre un délit pour retourner dans cette prison qui est devenue en 40 ans le seul endroit où il se sente en sécurité. Parce que là, il n’aura pas à assumer sa vie, c’est l’univers carcéral qui s’en chargera à sa place.
Mais il lui reste la liberté de choisir. Une scène du film le montre devant la vitrine d’un magasin, une armurerie, vitrine derrière laquelle il voit une arme à feu et une boussole. Il est tenté d'acheter l’arme, pour commettre ce délit qui le renverra définitivement derrière les barreaux, mais il choisit la boussole, pour retrouver l'endroit que lui a indiqué son ami, cette cachette au fin fond d’une campagne où il trouvera l'argent et les instructions pour le retrouver et recommencer une vie nouvelle, dans un autre pays. Il a fait le bon choix parce qu'il s'est souvenu de la parole de son ami : "il faut se dépêcher de vivre, -c'est-à-dire d’espérer-, ou bien se dépêcher de mourir". Il a choisi la liberté et la vie sur les pas de son ami évadé, qui l'a précédé et guidé sur les chemins de l'espérance et de la liberté.
Comme le Christ qui nous précède et nous attend. Jacob a choisi l’espérance, l’attente d’une bénédiction, alors qu’Esaü a choisi le tout de suite d’un roux de lentilles sauce Canaan...
Une boussole pour trouver le chemin de la vie. Moïse l'a indiqué à son peuple, ce chemin, avec la boussole de la parole de Dieu. Le peuple d'Israël ne l'a pas toujours suivi, ce chemin. Un peu comme un enfant qui pense pouvoir décider tout seul ce qui est bon pour lui, il s'est éloigné de ce Dieu qui l'avait délivré et sauvé.
Et nous mêmes aussi, nous préférons écouter nos propres pensées et nos propres désirs plutôt que de répondre à l'appel de Dieu qui nous dit :
"je t'aime, pour toi j'ai donné mon fils sur la croix, alors accepte que je dirige ta vie".
Mais laisser Dieu diriger notre vie, cela n’est pas le chemin le plus facile. Obéir à sa parole, c'est prendre le risque de lui faire confiance, sans garantie car ce Dieu qui nous parle ne se fait pas voir, ne se montre pas, il se fait entendre par la Bible, ces écrits des hommes et des femmes qu'il a inspirés. Suivre le Christ, c'est toute une aventure de liberté, mais qui nous appelle à renoncer à nous-mêmes, à nos habitudes, à nos sécurités faciles.
Quand Jésus a appelé ses disciples, ils ont quitté leur vie familière pour parcourir avec lui les chemins de Palestine. Ils ont entendu Jésus leur dire : «aimez vos ennemis». Pas facile, ça ! Nous qui éprouvons si facilement des pulsions de haine et de violence. Ou bien, «le plus grand parmi vous, c'est celui qui est au service des autres».
Pas logique, ça! Et pourtant, aimer l’autre même quand nous n’avons pas de raison de l’aimer, c’est un chemin de vie. Et pourtant, se faire le serviteur des autres, c’est triompher de ces forces de mort qui nous poussent toujours à chercher à être le plus grand et à nous élever au dessus des autres.
Une promesse de vie renouvelée est là, dans ce Dieu qui nous rejoint, qui se fait tout proche de nous, de la part de qui aujourd'hui, retentit cette parole d'espérance : je mets devant toi un chemin de vie. Mets-toi en route, fais-moi confiance. Nous sommes des prisonniers. Cette prison, c'est la mort, c’est tout ce qui est en nous et qui nous ligote, les fardeaux du passé et les peurs qui paralysent la foi. Mais le Christ est venu pour nous délivrer de nos chaînes, pour nous rendre notre statut d'enfants de Dieu, libres. Il est venu nous ouvrir la porte de l'espérance.
Il faut sortir et se dépêcher d'espérer et de vivre. De faire sauter les verrous de rancune par la puissance du pardon. De briser les barrières de la peur et de trouver les mots et les gestes qui accueillent. D’ouvrir les poings fermés sur nos pauvres richesses et de les partager avant qu’elles ne soient perdues pour tout le monde. De laisser les plats de lentilles que nous offre le monde et de chercher la bénédiction qui peut vraiment nourrir notre faim et notre soif de vivre.
Choisir la vie, c'est possible aujourd'hui. Elle n'est pas à gagner, cette vie, elle nous est offerte dans la foi. , il n’est pas trop tard pour choisir les paroles et les gestes qui font vivre, paroles et gestes d’amour envers les autres et envers Dieu aussi Seigneur, tu sais que je t’aime Seigneur, tu sais que j’ai besoin de toi. Seigneur, j’ai confiance en toi et en ta bénédiction.
AMEN.