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prédication à Alès, le 3 janvier 2021.

Lire Genèse chapitre 15, versets 1 à 18. la tentation d'Abram

Je voudrais vous proposer de revivre ce récit d'Abram en nous disant : Abram, c'est moi et cette histoire d'alliance conclue entre des morceaux d'animaux, c'est une histoire entre Dieu et moi

A priori, il nous semble en être bien loin, de cette histoire. Loin par le temps, des siècles et des siècles, mais aussi étrangers à cet homme auquel Dieu va demander d'accomplir un rite qui nous est difficile à comprendre.
Mais pourtant Abram n'est-il pas le père des croyants ? « Abram crut à Dieu, qui le considéra comme juste. C'est la première mention du verbe « croire » dans la Bible. Croire est ce qui nous place toujours dans une juste position, dans une juste relation à Dieu, au milieu de toutes les autres relations possibles : l'indifférence, le rejet, l'utilisation du nom de Dieu, voilà d'autres positions, mais elles ne sont pas précisément justes, la relation vraie que Dieu veut établir avec nous

Mais on peut aller plus loin. Abram, c'est peut-être non seulement moi, mais aussi nous, pauvrette Eglise, petit peuple de Dieu qui se réunit le dimanche matin quand presque tout le monde vient à peine de sortir du lit. Abraham, c'est ce petit troupeau qui peine, qui lutte, qui se décourage car il tarde à venir, l'accomplissement des promesses. Abraham ici, c'est aussi une figure des chrétiens qui se disent : notre Eglise a du mal à se renouveler, elle perd de sa visibilité dans la cité, elle a du mal à témoigner, elle sommeille parfois, et même elle s'en va sans enfants... ou plutôt ses enfants la quittent. L'avenir est sombre, sans perspectives de renouvellement. Cette question d'une descendance promise a habité Abram intensément, Et il y a comme cela dans notre vie des questions qui restent sans réponse pendant des années, comme si Dieu n'en finissait pas de prendre son temps pour répondre

Alors quand les promesses de Dieu paraissent si lointaines, si inaccessibles, si déraisonnables, la tentation est grande de baisser les bras et d'être, en un sens, réaliste. L'héritier de ma maison, dira Abraham, c'est mon serviteur Eliézer. Autant que ce soit lui, puisqu'il est inutile que j'espère encore avoir un enfant. Et le soir tombe, et avec lui le sommeil du découragement, et la peur de la nuit

Oui, ce récit est d'abord le récit d'une tentation, la tentation du "à quoi bon", la tentation du doute et de l'incrédulité face aux promesses. tous les grands personnages de la Bible ont été tentés. Jésus lui aussi. Mais Abraham croit en la promesse de Dieu et dans le signe qui lui est présenté au coeur même de sa nuit : les étoiles, dont l'éclat permanent et infini, dont le nombre incalculable est à l'image de la gloire et de la grandeur de ce Dieu qui a appelé Abram et l'a envoyé devant lui. Le Seigneur écrit une autre histoire, avec une autre logique, que nos logiques réalistes. Le Seigneur est celui qui choisit de faire alliance, de s'engager avec quelqu'un de manière indéfectible. Et le Seigneur s'est engagé envers son Eglise dans une alliance irrévocable comme il s'est engagé avec Abraham

Mais Abram demande un signe de cette fidélité de Dieu. Un signe personnel, autre que les signes disons cosmiques. Ce n'est pas du doute, demander à Dieu des signes. Au contraire, c'est reconnaître que notre vie chrétienne a besoin d'être fortifiée, éclairée et guidée par l'Esprit. Nous ne faisons rien d'autre lorsque nous prenons le repas auquel le Seigneur nous invite. Un signe qui fortifie !Et vient donc cet étrange rite de sacrifice qu'Abram va transformer en rite d'alliance. Dans l'hébreu, conclure une alliance se dit couper une alliance, peut-être par allusion à ce rite de couper les animaux sacrifiés en deux parties, chaque morceau, chaque côté de l'animal étant attribué à l'une des parties contractant le pacte, comme un symbole de ce qui revenait à chacun. Et on passait entre les morceaux pour signifier que l'on s'engageait solennellement dans ce qui avait été convenu.

Trahir sa parole, briser le pacte, c'était peut-être s'exposer à partager le sort des bêtes mises à mort. La colombe et la tourterelle n'ont pas été partagées pourtant ce soir-là : elles sont peut-être symboles de l'esprit de Dieu qui plane et qui fait du chaos une création nouvelle, Abram sait que cet Esprit là ne peut se partager, il est tout entier à Dieu et Dieu veut le répandre sur lui - et sur nous -tout entier.
Quoi qu'il en soit c'est Dieu seul qui dans cette nuit sombre, celle du doute et du découragement, qui fait si peur à Abram, va passer entre les morceaux, pas Abraham. Pour lui dire peut-être deux choses

D'abord, c'est Dieu qui s'engage envers Abram et veut lui dire : « Je m'engage avec toi dans une histoire qui va durer longtemps, mais qui va aboutir ». Cela ne signifie pas qu'Abraham restera inerte, puisqu'il a lutté pour empêcher les vautours de s'emparer des morceaux des bêtes sacrifiées. Dans notre vie, il y a la colombe de l'Esprit qui vivifie, mais aussi les vautours de l'épreuve, qui guettent notre découragement comme lorsqu'ils volent en cercle au-dessus d'un voyageur perdu dans le désert. C'est l'image des épreuves qui vont surgir pour la descendance d'Abram avant l'accomplissement des promesses : l'Egypte, puis l'esclavage, l'exode... C'est aussi une image de la foi qui lutte, qui s'accroche aux signes que Dieu lui donne pour avancer, pour croire et faire confiance malgré tout. Abram n'a pas laissé ce jour-là les vautours cyniques du doute et du découragement manger l'alliance qu'il voulait conclure avec Dieu

C'est apparemment Abram qui en a pris l'initiative. Mais c'est cependant Dieu seulement, dans la fournaise et les flammes, qui passe entre les morceaux ; peut-être aussi pour séparer les deux moitiés d'Abram, risque un commentateur. Il y a l'Abram du passé, celui qui doute, celui qui a déjà pris des dispositions testamentaires réalistes, celui qui se demande s'il a bien fait d'obéir à l'appel d'un Dieu qui lui promet mais qui ne lui donne rien. Et il y a l'Abram qui croit, qui deviendra Abraham, le Père d'une multitude, le père des croyants. Et Dieu passe au milieu, dans un feu qui purifie la foi d'Abram des scories du doute, du "à quoi bon", de l'amertume... du réalisme cynique de l'homme qui se voit vieux et sans avenir, nomade errant et sans terre

Dieu qui passe et qui s'engage engage à son tour Abraham dans l'aventure de la foi. Le don de Dieu est aussi une responsabilité qui nous est confiée, qui peut devenir parfois source d'épreuve et de souffrance. L'épreuve qu'a connue Abraham au moment de sacrifier Isaac. La souffrance que Siméon annonce à Marie. Alors bien sûr, il peut en être pour nous comme pour Abram au moment de conclure le pacte : nous pouvons avoir peur quand Dieu ouvre pour nous des chemins nouveaux. Car ce qu'on connaît déjà, même si ça ne réjouit pas, ça rassure

La vie que Dieu nous propose, nous pressentons qu'elle sera pleine d'imprévus, et cela fait peur. 2020 a vu une succession d’événements tous plus inattendus et déstabilisants que les autres, et l’année qui vient s’ouvre dans la plus grande incertitude sur ce que deviendra l’épidémie, sur les projets que nous pourrons concrétiser et ceux auxquels nous devrons renoncer. Quand nous prenons la volonté du Seigneur au sérieux, où cela peut-il nous mener ? Jésus, annonce Siméon à ses parents, sera signe qui provoquera la contradiction. Croire en Jésus, signe donné à Noël, reconnu par Siméon comme tel, de l'amour de DIeu et de son salut,c'est à la fois vivre et mourir. Mourir à notre mentalité, nos vieux réflexes, nos peurs, nos sommeils. Et ce, avant de vivre, car nous sommes invités à renoncer à tout orgueil, à accepter que devant DIeu qui choisit de se révéler .dans l'humilité de Jésus, toute prétention, toute gloire, toute force humaine tombe, aucune autre voie n'est donnée que la confiance et l'acceptation du don gratuit

AMEN
prédication à Alès, le 3 janvier 2021