Eglise Réformée de France
Alès - Bassin Alésien Sud

  Accueil / V... / Prédications / Prédication du synode novembre 2020  


Logo

Prédication du synode novembre 2020

1 Prédication du synode Cévennes-Languedoc Roussillon Sète - Novembre 2020
1 Corinthiens 12.12-27
Le corps forme un tout mais a pourtant plusieurs organes, et tous les organes du corps,malgré leur grand nombre, ne forment qu'un seul corps. Il en va de même pour Christ. Eneffet, que nous soyons juifs ou grecs, esclaves ou libres, nous avons tous été baptisésdans un seul Esprit pour former un seul corps et nous avons tous bu à un seul Esprit.Ainsi, le corps n'est pas formé d'un seul organe, mais de plusieurs. Si le pied disait:«Puisque je ne suis pas une main, je n'appartiens pas au corps», ne ferait-il pas partie ducorps pour autant? Et si l'oreille disait: «Puisque je ne suis pas un oeil, je n'appartiens pasau corps», ne ferait-elle pas partie du corps pour autant? Si tout le corps était un oeil, oùserait l'ouïe? S'il était tout entier l'ouïe, où serait l'odorat? En fait, Dieu a placé chacun desorganes dans le corps comme il l'a voulu. S'ils étaient tous un seul organe, où serait lecorps? Il y a donc plusieurs organes, mais un seul corps. L'oeil ne peut pas dire à la main:«Je n'ai pas besoin de toi», ni la tête dire aux pieds: «Je n'ai pas besoin de vous.» Bienplus, les parties du corps qui paraissent être les plus faibles sont nécessaires, et cellesque nous estimons être les moins honorables du corps, nous les entourons d'un plusgrand honneur. Ainsi nos organes les moins décents sont traités avec plus d'égards,tandis que ceux qui sont décents n'en ont pas besoin. Dieu a disposé le corps de manièreà donner plus d'honneur à ce qui en manquait, afin qu'il n'y ait pas de division dans lecorps mais que tous les membres prennent également soin les uns des autres. Si unmembre souffre, tous les membres souffrent avec lui; si un membre est honoré, tous lesmembres se réjouissent avec lui.
Vous êtes le corps de Christ et vous êtes ses membres, chacun pour sa part.Chers frères et soeurs en Christ,
Il apparait, à partir des mots de Paul, que la communauté des chrétiens de Corintheconnaissaient des problèmes similaires à ceux que nous connaissons. Pour nous fairecomprendre, la nature de ces problèmes, Paul va reprendre, à sa manière, une fablerapportée par Tite-Live très connue à son époque. Elle s’appelait la fable des membres etde l'estomac. Plus près de nous, La Fontaine l'a mise en vers en nous racontant unediscussion entre les pieds et les mains qui se révoltent contre l'estomac en refusant debouger. Ce faisant, ces organes en oublient une chose que si l’estomac meurt de faim, ilne sera pas le seul car ce corps-là, comme tous les autres, fait un tout. Et, pour que lecorps puisse vivre, tous les organes ont absolument besoin de tous les autres.« Nous sommes le corps du Christ et, chacun pour notre part, sommes les membres dece corps. »
Paul a donc repris, dans le capital culturel de son temps, un discours très facile àcomprendre. Et, il se donne la peine de nous expliquer que nos diversités sont notrechance, à condition d'en faire les instruments de fraternité de la communauté bien-aiméedans laquelle chacun, sans exception et à sa façon, à sa place. Et surtout, où, chacundans ce qu’il est et fait, par la grâce des dons et des charismes qui sont les siens, doitmettre l’autre en évidence pour le bien de tous.Cette reprise de la fable par Paul fait penser à l’histoire de ce riche membre d’unecommunauté qui avait décidé de construire un temple… Cela, évidemment, avait suscité
2un réel enthousiasme.. Pour autant, personne n'avait le droit de voir les plans, ni l'intérieurjusqu'à ce qu’il soit terminé.Enfin, le jour est arrivé où la communauté a enfin pu s'émerveiller de la beauté dunouveau bâtiment.Mais quand les membres de la communauté sont entrés…ce qui les a surpris c’était quetoutes les salles, aussi bien celle du culte ,des réunions ou de la catéchèse, toutes étaientdans la pénombre la plus complète. Devant les réactions légitimes et néanmoinsaffectées, le bienfaiteur a distribué, à chacun, une lampe en leur montrant des crochets lelong des murs. Et il a alors expliqué: «Chaque fois que vous êtes ici, l'endroit où vous êtesassis sera éclairé. Mais chaque fois que vous n'êtes pas là, votre place sera sombre. Cecipour vous rappeler que chaque fois que vous ne vous participez pas à la vie de lacommunauté, une partie de l’Eglise reste dans la pénombre ».Avec la même insistance que le fait Paul, cette histoire souligne combien nous avonsbesoin des uns des autres. C’est ensemble que nous constituons l’Eglise et si ce n’est pasle cas, alors, il manque quelque chose… Ou du moins, c’est comme s'il y avait uneobscurité qui s'installe dans nos coeurs.Et, de l’obscurité dans nos coeurs, il y en a chaque fois que nous mettons à mal l’unitéd’une communauté en ne respectant pasl’autre dans sa propre démarche. De l’obscurité dans nos coeurs, il y en a chaque fois quenous ne respectons pas l’autre dans le fait qu’il est quelqu’un de singulier, non seulementdans ses convictions mais même dans sa façon d’être, dans sa vocation, dans sonévolution, dans ses propositions et contributions et même, même dans ses travers… Toutcela n’est pas contraire à la cohérence mais c’est une bénédiction pour chacun desmembres et donc pour l’ensemble du corps.Corps qui, ne l’oublions pas, parce c’est quand même cela qui est premier… corps qui estcelui du Christ lui même.
Nous sommes formellement configurés en Christ. Tous, nous avons été baptisés « au nom» du Christ. Et, être baptisé au nom du Christ, c’est être, en quelque sorte, et mêmelittéralement, greffé sur lui… car c’est bien par cette greffe que nous sommes, comme lesouligne si bien Paul, les membres de Christ. Nous sommes greffés, d’où nous vient lemot « disciple » dont l’étymologie signifie « être rattaché »..Ce qui nous induit immédiatement à cette découverte d'une importance infinie, c'est quenotre santé communautaire, c'est-à-dire notre équilibre spirituel, notre sincérité, notreattitude, notre vérité intime sont indispensables à la réalisation parfaite du corps du Christ.Cela induit aussi d’attester par notre manière d’être et nos attitudes relationnelles queChrist n’est pas simplement le nom de famille de Jésus.
Christ n’est pas un simple titre, ni un quelconque qualificatif révélateur…Christ est cette « source première » qui existe depuis l’origine de tout, depuis l’origine dutemps, depuis l’origine de l’espace, à l’origine de tout souffle, de tout « Esprit »… C’estbien cela qui permet à Paul d’attester : « Il n’y a que Christ. Il est tout et il est en tout »Pour nous, les greffés en Christ, pour nous les chrétiens, l’incarnation a été renouveléeavec Jésus lui même. Comprenons alors qu’au lieu de dire que Dieu est venu dans lemonde par Jésus, il serait peut-être plus juste de dire et de comprendre que Jésus, celuiqui est « né d'une femme sous la loi » pour reprendre les mots de Paul, Jésus celui qui estné dans un moment du temps chronologique, Jésus est sorti d'un monde déjà totalementimprégné et rempli de Christ.
Réalisons que Christ est cette lumière qui n’est pas tant ce que nous voyons directementmais bien ce qui nous permet de voir tout et le reste. Christ est ce qui nous éclaire sur cequ’est la création entière et sur ce que nous sommes. Lorsque dans l’Evangile de Jean,Jésus fait la déclaration « Je suis la Lumière du monde » nous pouvons bien sûr leregarder, lui, comme lumière, et, c’est généralement ce que nous entendons. Mais nous
3pouvons aussi entendre que Jésus parce que Christ, nous permet de voir le monde auplus profond, au plus tenace de ses obscurités et de ses ténèbres… Christ est la lumièrequi permet de voir les choses dans leur plénitude. Ce qui est, en principe, une descaractéristiques d’un authentique chrétien. Par contre, c’est une caractéristiqueparticulièrement exigeante qui exige toujours plus de chacun. Et qui surtout nous amène àréaliser et vivre qu’il ne peut y avoir aucune raison de combattre, d’exclure ou de rejeterquiconque.
C’est bien cela que Paul veut nous faire comprendre. Tous unique, tous complémentaireset tous ensemble dans une immense diversité. Pour autant, à Corinthe comme dans noscommunautés se posent les problèmes du dénigrement de soi et du dénigrement d’autrui.Paul nous explicite cela : « Comme je ne suis pas une main, dit le pied, je ne fais paspartie du corps ». «Comme je ne suis pas un oeil, rajoute l’oreille, je ne fais pas partie ducorps ». Comme quoi, la comparaison n’est jamais bonne conseillère. Se comparer, c’estêtre amené à se dénigrer soi-même avant même de dénigrer les autres. Dans le corps duChrist, il ne devrait pas y avoir de compétition, de performances, de prouesses à défendrepour être, pour exister. Chacun a sa place, chacun avec ses qualités, ses défauts, saspécificité, ses compétences acquises ou à acquérir et bien sûr ses dons. Nous nesommes pas tous pareils. Mais tous, sans exception, nous avons notre place dans lecorps.
«(..) les membres du corps qui paraissent être les plus faibles sont nécessaires, nous ditPaul, et ceux que nous estimons être les moins honorables du corps, nous les entouronsd'un plus grand honneur. »Nous avons beaucoup de mal à comprendre cela parce que dans le temps que nousvivons, l’individualisme narcissique de notre époque, nous amène au privé et même auprivatif c’est à dire au repliement sur notre petit moi, sur notre petit ego. Ce qui nous privede la possibilité même de faire du commun, de faire une commune union, et donc d’être etde faire réellement communauté.
Il y a longtemps que nous aurions du comprendre que l’humilité nécessaire pour fairecorps c'est exister dans le regard des autres. C’est exister en s'échangeant avec lesautres quels qu’ils soient. C’est exister dans cette relation où, pour reprendre le mot dupoète Arthur Rimbaud : « Je est un autre ». Mais nous sommes tellement englués dansnotre moi possessif, nous nous confondons tellement avec notre moi préfabriqué, noussommes tellement enfermés dans cet univers défini et appréhendé par notre regard, quetout le problème, comme nous y exhorte Paul depuis sa propre expérience sur le cheminde Damas, tout le problème reste de savoir si de ce quelque chose que nous sommes,nous pouvons devenir et être quelqu’un.
Comment ne pas penser, ici, à cette réflexion de Gustave Flaubert dans son journal,lorsque il reçoit, de Baudelaire, une lettre qui lui demande d’appuyer sa candidature àl’Académie. Flaubert, qui lui a tout sacrifié avec une pureté de coeur et de vie admirables,Flaubert est scandalisé de cette demande de Baudelaire, et il écrit dans son journal cemot qui mérite de passer les siècles : « Pourquoi vouloir être quelque chose quand onpeut être quelqu’un ?»
Voilà des mots forts simples que chacun est capable de comprendre : « Pourquoi vouloirêtre quelque chose quand on peut être quelqu’un ? »Ces mots tracent précisément l’itinéraire humain : nous sommes d’abord quelque chose etchacun de nous est appelé à devenir quelqu’un. Réalisons que si rien en nous n’était denous-même, si notre existence ne pouvait pas jaillir un jour de nous, nous serionspurement et simplement des choses, et nous ne serions pas ici, dans la suite de Jésus,Christ, lui qui a su si précisément être extraordinairement et merveilleusement quelqu’un.Nous ne serions pas ici, dans la suite de Jésus, Christ, à nous interroger sur le sensmême de la vie, la notre comme celle des autres et de la création.
4Nous devons prendre conscience qu’enracinés, fondés et greffés en Christ, affermis dansla foi, désormais Christ n’a pas d’autre corps sur terre que le nôtre, ni d’autres mains queles nôtres, ni d’autres pieds que les nôtres. C’est par nos yeux que s’exprime son éternellecompassion de Christ pour le monde ;c’est par nos pieds que Christ s’en va faire le bien etaccomplir les miracles nécessaires pour ce temps. C’est par nos mains qu’il va aujourd’huicomme hier et demain, bénir l’humanité.
« Nous sommes le corps du Christ et, chacun pour notre part, sommes les membres dece corps. »Entendons bien cela. Entendons bien que chacun de nous est appelé à être le visage deChrist, ses oreilles, sa bouche, son toucher. Cela demande d’abord de résister au repli etau cynisme de notre époque, qui est suspicieuse à l’égard de tout, et en particulier del’Église…Cela implique ensuite du courage.Le courage de nous laisser regarder par les autres, de les laisser nous sourire.Celui de les écouter en particulier lorsque nous sommes en désaccord, avec la certitudeque si nous leur ouvrons nos esprits et nos coeurs, nous leur offrons, en simple retour, laParole de Dieu.
Et puis, enfin, en ces temps dits de « distanciation », ayons le courage de tendre la mainpour toucher les autres, tous les autres, avec l’éternelle compassion du Christ. Ayons entête les baisers de Jésus aux lépreux, aux fiévreux, aux eczémateux et autres pestiférésqui, de Flaubert à Mauriac en passant par Camus, ont inspiré tant de belles pages.Et surtout, convenons que l’ouverture confiante et relationnelle à l’autre est le fondementmême de notre foi qui nous permet effectivement d’attester que là où nous sommes et telsque nous sommes, indiscutablement « nous sommes le corps du Christ et, que chacunpour sa part, tel qu’il est et là où il est, il est bel et bien un membre de ce corps»Amen
Pasteur Jean-Paul Nuñez