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A propos du pasteur BONNEFON, fondateur de la maison de Santé protestante

1 - LE PASTEUR DEBUTANT

     Daniel Bonnefon, né à Bayonne le 14 Août 1832, est consacré comme pasteur à Alès le 9 Septembre 1858, (il est bachelier en théologie de la Faculté de Montauban, comme la plupart des futurs pasteurs de sa génération). Le même jour, le Consistoire l'élit comme  pasteur en titre de la paroisse de Saint-Christol lez Alès   Il y reste 3 ans et, en Juillet 1861, il est choisi par le CP d'Alès à l'unanimité pour occuper le poste (au traitement de 2000 fr annuels) de pasteur suffragant du pasteur Gaillard  (celui-ci, nommé pasteur à Alès en 1814, est alors âgé de 72 ans -  dont 47 au service de la paroisse - et peut difficilement assurer son service). Cette nomination est approuvée par le Consistoire en Septembre et il s'installe à Alès : il va en particulier remplacer au début M. Gaillard comme aumônier des prisons et de l'Ecole de Maître mineurs. 

2 - UNE ELECTION SUR FOND DE CRISE

pasteur Bonnefon

Le pasteur Bonefon

A - Le 22 Avril 1862 survient le décès de l'un des autres pasteurs d'Alès, M. DUBOIS. Ce pasteur, âgé de 71 ans et officiant à Alès depuis 1819 (43 ans !) était par ailleurs secondé lui aussi, depuis Février 1869, par un pasteur suffragant rémunéré directement par le Conseil, M. Ernest ALBARIC. Le conseil presbytéral d'Alès désigne alors comme candidat au poste du pasteur Dubois M. Bonnefon, par 5 voix contre 3 à M. Albaric et 1 nul. En compensation il offre à M. Albaric, d'être payé sur les fonds propres du CP, au même taux que M. Bonnefon. Ce choix, à contre courant de la pratique habituelle (le suffragant succédant au titulaire), va entraîner une série de rebondissements sur fond d'antagonisme entre orthodoxie et libéralisme (avec certainement des intérêts personnels).

B - Le 18 Mai M. Albaric, sans doute soutenu par ses partisans de tendance libérale et dans l'espoir d'avoir l'aval du Consistoire (qui est seul habilité à valider une élection de pasteur) démissionne de son poste de pasteur suffragant, et se déclare candidat à la succession de M. Dubois, en dépit du choix du CP. "Je ne crois pas pouvoir conserver plus longtemps mes fonctions de Pasteur suffragant  au sein de cette église. Je vous prie de faire agréer ma démission au conseil que vous avez  l’honneur de présider, en assurant de mes sentiments d’une bien vive gratitude ceux-là d’entre ses membres qui ont bien voulu en cette circonstance, faire valoir inutilement l’autorité de mes droits. En renonçant ainsi immédiatement et de plein gré à une position tout récemment consolidée d’une manière définitive, du libre assentiment de tous et que je me suis efforcé  de remplir dans la mesure possible de mes forces,  sans considération aucune des divers partis qui cherchent à diviser nos églises, je n’entends point pour cela faire d’hors et déjà le sacrifice de tous les titres qui me semblaient recommander ma candidature à tous les membres, sans exception, du Conseil presbytéral. Je les réserve au contraire, en leur entier, restant comme par le passé, candidat à la place laissée vacante par le décès de mon ancien et vénéré titulaire, aussi longtemps que le vénérable corps du  consistoire n’aura pas consacré de son approbation le choix du nom qui, à l’exclusion de tout autre, a été adopté par la majorité du Conseil  

Cette attitude entraîne des discussions très vives au sein du Conseil presbytéral. La démission de M. Albaric est cependant acceptée et son traitement lui est supprimé à compter du 19 Mai. Mais le trésorier du CP Bonnal-Rocheblave présente sa démission (qu'il ne reprendra pas malgré toutes les pressions amicales )

C - Le 16 Juin le Conseil décide de proposer au vote du Consistoire une liste officielle de 3 noms dans laquelle ne figure pas celui de M. Albaric . Il propose M. Bonnefon d'Alès, Sarrus de Paris, et Martin pasteur à St Ambroix, ces deux derniers appartenant " chacun à l'une des deux tendances de nos églises" .

D - Le Consistoire, composé de 25 membres (6 pasteurs, les 7 Conseillers + 3 représentants d'Alès, 2 représentants des 4 autres paroisses : St Hilaire, St Paul, Blannaves, La Grand'Combe) se réunit finalement le 18 Août 1862 (après report de sa séance de Juin pour défaut de quorum) et, sans tenir compte de la liste des postulants présentée par le CP d'Alè s, désigne M. Albaric comme nouveau pasteur titulaire d'Alès, à une très courte majorité (13 voix pour Albaric et 12 pour Bonnefon )

E - Le 23 Août le CP d'Alès envoie une lettre de protestation directement au Ministre en arguant du non respect des choix du CP, du "vide toujours croissant autour de la chaire " de M. Albaric  et d'un vote avec une majorité d'une voix  "uniquement poussé par des questions de famille ".

D - Le 15 Décembre 1862 la réponse ministérielle est arrivée : le Consistoire avait le droit de choisir quelqu'un en dehors de la liste fournie mais il a aussi le devoir de tenir compte des désirs des CP. La majorité obtenue est par ailleurs très faible et il y a des doutes sur la convocation d'un membre dont la voix aurait pu faire basculer l'élection. L'élection est donc à refaire et si le Consistoire choisit à nouveau M. Albaric il devra indiquer les motifs qui lui ont fait écarter les candidats proposés par le CP .

La séance consistoriale est houleuse. On envisage même une démission collective mais finalement on décide, par 12 voix contre 11, de recommencer l'élection . Aussitôt MM. Malzac,  Bonnal-Fraissinet et Edouard  Bonnal (Alés) démissionnent et se retirent. M. Travès (pasteur à St Hilaire), Combet (pasteur à La Grand Combe), Riboulet et Ribot (St Hilaire) et Escalier (St Christol) quittent la salle. Le président, le pasteur Breyton, cependant, décide que l'élection peut avoir lieu avec  les 14 membres présents. M. Chabrol (maire de Blannaves) ayant quitté la salle sans voter et un autre membre s'abstenant, M. Bonnefon est finalement désigné  comme "pasteur d'Alais " par le Consistoire  en remplacement de M. Dubois par 12 voix sur 12 votants présents

E - Le ministre officialise cette nomination par un décret du 28 janvier 1863, qui est lu le 2 Mars 1863 devant une assemblée du Consistoire clairsemée (il manque 9 membres sur les 25), accompagné d'une lettre ministérielle qui déplore "le regrettable incident qui s'est produit sur le lieu du Consistoire". Ces péripéties laisseront aussi des traces dans le CP d'Alès puisqu'en Décembre Bonnal-Fraissinet démissionnera lui aussi. Et ce ne sera que le 16 Mars 1863 que M. Bonnefon sera officiellement installé dans son poste.

3 -L'ACTIVITE D'AUMÔNERIE

En novembre 1863 le pasteur Bonnefon est désigné comme aumônier de l'hôpital  et il ne va pas tarder à entrer en conflit avec les soeurs de l'Hospice Saint-Louis d'Alès. En effet dès le 25 Novembre 1865 il se plaint au CP des actes de prosélytisme à l'hôpital, et une commission du CP transmet le 9 Décembre au Conseil d'administration de l'Hospice un rapport très critique sur la conduite de son personnel :

     -  On "rencontre de continuelles obsessions " pour faire abjurer les indigents. Est cité le cas de l'infirme Roumajon, marié à une catholique, avec des enfants qui sont protestants. Il est à l'hospice et veut éviter le prosélytisme contre sa fille de 13 ans à St Christol. Il acceptait de la faire entrer à l'orphelinat protestant de Nîmes et avait promis de la remettre aux mains de pasteurs. Il meurt deux jours après, du choléra, et les pasteurs venant à son chevet apprennent qu'il s'est converti au catholicisme et qu'il donne sa fille à l'hôpital.

     - De telles manœuvres continuelles dissuadent les protestants d'aller y recevoir soins et secours et la preuve en est le peu de protestants inscrits sur les registres d'entrée

         - La mention de la religion des malades n'est plus indiquée sur le registre d'entrée

     - Tous les malades assistent aux prières catholiques dans la salle commune et l'on a refusé la liberté de sortir à l'un d'entre eux convalescent (la Supérieure ayant précisé que c'était la règle )

       - L'aumônier protestant est gêné dans son travail par le bruit des litanies à haute voix, alors que le silence est de rigueur pour les prières catholiques (récemment un mourant n'a même pas pu entendre sa prière faite à haute voix )

     Le CP demande donc de séparer les malades et indigents de communion différente

    La commission administrative de l'Hospice, va accepter que les protestants soir dispensés de la prière catholique, va déclarer impossible la création de salles séparées protestants et catholiques (revendication déjà présentée en 1844), mais accepte des cloisons mobiles et l'utilisation provisoire de petites salles inoccupées (en particulier celle réservée aux aliénés)

4 - CREATION DE LA MAISON DE SANTE PROTESTANTE

   L'année 1866 est une année qui débute mal pour les finances du CP : c'est en plein le moment de la construction du nouveau temple, il a fallu louer et aménager un édifice de remplacement et on prévoit un déficit de 1000fr. Le Conseil décide donc d'économiser sur le diaconat, en particulier il arrête l'oeuvre dite de la Soupe ("Restaurant du Cœur" de l'époque).

   Très peu de temps après, le 3 Février 1866,  M. Bonnefon propose au CP, en vue de réaliser des économies,  de centraliser toutes les dépenses pour les malades et les infirmes en fondant un hospice dans lequel ils seraient réunis . Bien qu'à première vue cela paraisse plus onéreux le Conseil nomme une commission, comprenant M. Bonnefon, Fontanes et Lavondès, pour étudier la question.  Mais à la séance suivante le projet d'hospice de M. Bonnefon, trop cher, est abandonné, sur le conseil de la commission.

    Toujours est-il que le pasteur Bonnefon, lui, n'abandonne pas, puisque le 16 Juillet 1866 il demande que le conseil accorde aux malades et aux vieillards qui seront admis "dans la maison de santé par lui fondée" , les mêmes secours qu'il leur accorderait à domicile, eu égard à leurs ressources annuelles. Le Conseil donne son accord mais insiste sur un point : "il ( le Conseil) ne doit ni ne veut prendre aucun engagement vis à vis d'un établissement complètement en dehors de sa direction . Il ne donnera à chaque malade ou infirme que ce qu'il lui donnerait en dehors de la maison de santé".

    En Novembre 1866 M. Bonnefon reprend avec sa maison de santé l'œuvre de la Soupe  et demande qu'on lui cède les instruments ad hoc. Mais quand en Février 1867, pour avoir servi 756 portions à des vieillards et des enfants de la salle d'asile (garderie) il réclame 90 fr 35 en expliquant qu'il avait pensé que, en prenant la Soupe, il donnerait les provisions mais ne les achèterait pas, le CP lui répond "qu'il n'a pris aucun engagement autre que fournir les ustensiles " et refuse le remboursement . La somme est pourtant minime et ce refus semble bien traduire la très grande réticence du CP devant  la création de cette maison de Santé

    Cette même réaction se retrouve dans sa réponse du 12 Mars 1867 à une lettre de Mme Decoppet (femme du nouveau pasteur qui a remplacé M. Gaillard décédé) au nom du Comité de la Maison de Santé qui demande un secours pour ses œuvres et le prêt du temple de 14h à 16h le dimanche 31 mars pour son rapport public à l'Eglise.. Le conseil est tout à fait d'accord pour prêter le temple mais, tout en considérant que l'œuvre peut rendre de réels services, il fait remarquer qu'elle est en dehors de son contrôle, que des oeuvres pareilles se contentent de faire appel à la générosité des fidèles, qu'il doit penser à son diaconat avant celui des autres et enfin qu'il n'est pas démontré que l'Eglise d'Alès n'ait pas suffisamment pourvu aux besoins des quelques infirmes ou malades recueillis dans le maison de Santé : pour ces raisons le Conseil attend le rapport de la maison de santé pour apprécier les services qu'elle peut rendre et les besoins qu'elle peut avoir.

     Et en Juillet il va quand même verser 200fr comme preuve de sympathie (c'est la somme accordée traditionnellement aux diverses oeuvres que soutient le CP). Ensuite les aides seront fournies de façon très irrégulière et à la demande : on trouve des versements de 200fr en 1872, 300fr en 1877, 1881, 1882 ,1883,1891. Plus tard des collectes, dont le montant apparaît dans les comptes du CP, vont être effectuées à partir de 1895 (417 fr en 1895, 447 fr en 1896)

5 - DECES DE M. BONNEFON

   Une demande de secours est adressée au gouvernement pour sa veuve qui reste avec 6 enfants à charge et ses obsèques (12 Avril 1898) seront prises en charge par l'Eglise  "Conformément à la décision du Conseil Presbytéral, les obsèques ont été faites aux frais de l'Eglise. L'enterrement a été de 1° Classe ; le corps a été porté au temple et la chaire était tendue de noir. M. Breyton, président du Consistoire conduisait le deuil. Les glands du poêle étaient tenus par quatre porteurs de la Consistoriale d'Anduze et un porteur de la Consistoriale de St Ambroix. Le premier drap était porté par Martel-Teulon et Nègre-Gay, membres du Conseil Presbytéral d'Alais, M. Destremx, membre du Consistoire et M. Martinenche-Gascuel  membre du diaconat. Le second drap était porté par des membres du Comité consultatif de la Maison de Santé  et le troisième par des membres de la Société de secours mutuels, dont M. Bonnefon faisait partie. 22 pasteurs des environs et quelques membres laïques des conseils presbytéraux des Eglises voisines s'étaient joints au cortège. De nombreuses couronnes étaient portées à bras ou couvraient le char. Au moment de la levée du corps, M. Combes, pasteur suffragant, a fait un culte à la maison mortuaire. Au temple M. Breyton, au nom du Consistoire, a exprimé les regrets de ce corps et les siens et tracé un rapide tableau du ministère de M. Bonnefon. Après lui, M. Poux a également rendu un témoignage ému à son collègue et fait ressortir les leçons qu'il nous donne à tous.. A la Maison de santé M. le pasteur Granier, président du Consistoire d'Anduze a exprimé la reconnaissance des Eglises voisines pour les précieux services rendus à leurs malades par la maison de santé et son fondateur. M. Babut pasteur à Nîmes, qui a connu M. Bonnefon dans sa jeunesse, a rappelé l'influence que M. le Pasteur Louis Meyer de Paris avait eu sur le développement religieux de son ami et par suite sur son ministère.. Au temple, dans la traversée  de la ville, dans le jardin de la Maison de Santé, la foule s'est associée par son émotion au deuil de la famille et de l'Eglise. Partout a régné le silence et le bon ordre, auxquels ont contribué quelques agents de police  et M. Armasson, un des diacres de l'Eglise, qui a bien voulu se charger de la tache difficile d'ordonnateur"

                 Pierre Boissier (d'après les registres paroissiaux de la paroisse réformée d'Alès au XIX° siècle )