Eglise Réformée de France
Alès - Bassin Alésien Sud

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La scission de 1906

Etapes de la création de deux paroisses réformées à Alès

 

1 – A la veille de la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat

Le système concordataire est en vigueur depuis 1802 (Bonaparte 1° Consul : 18 germinal an X - révisé par le décret du 2 Mars 1852 par Napoléon III) 

Par ailleurs dans la mouvance protestante réformée des divergences assez fortes sur  le plan théologique et ecclésial se sont révélées entre un courant orthodoxe "évangélique" et un courant  libéral

Le dernier synode officiel , celui de 1872, qui a traité essentiellement du membre électeur et de la confession de foi (et où les orthodoxes ont été majoritaires)  a établi une déclaration de foi controversée. Les synodes suivants étaient des synodes officieux auxquels les paroisses étaient libres d'adhérer ou pas  et qui n'avaient  pas de valeur légale.

2 - La situation à  Alès en 1906

• Le conseil presbytéral comprend 6 membres laïques. Il est assisté d'une dizaine de diacres chargés de l'aide aux démunis. Il y a aussi trois pasteurs :

  • Victor Poux : en poste à Alès depuis 21 ans il est président du CP et de l'assemblée du Consistoire.

  • Elie James Néel, né à Alès, d'origine suisse et naturalisé français, a fait ses études à Montauban. Après avoir été pasteur à  St Paul Lacoste, Sumène, Gajan, St Jean du Gard, il est en poste à Alès depuis le 12 Juillet 1898 (il succède à M.  Bonnefon décédé).

• Théodore Matthieu Jean Lelièvre, pasteur auxiliaire sur la paroisse en 1898, il  est titularisé à la place du pasteur Breyton, décédé, et installé le 2 février 1902  

• Les autres paroisses du Consistoire, elles, ont chacune leur pasteur : Branoux, Cendras, La Grand Combe, St Christol, St Hilaire de Brethmas, St Paul Lacoste, Tamaris-Salindres.

3 - Conséquences de la loi de séparation de l'Eglise et de l'état

  Elle est votée le 6 Décembre 1905 et doit être appliquée avant fin Décembre 1906. Elle crée deux obligations :

- les paroisses doivent se transformer en associations cultuelles type 1901, modifié 1905, avec des statuts, des assemblées générales et une déclaration en  préfecture.

-  les biens des anciens CP feront l'objet d'un inventaire officiel  puis seront attribués en retour aux associations cultuelles nouvellement constituées par un acte d'attribution qui en fera foi.

4 - Une situation conflictive  au sein du CP d'Alès  

Au  Synode général officieux des Eglises Réformées de France à Orléans (9 au 16 Janvier) l'opposition entre la droite orthodoxe et le centre libéral s'est marquée par des démissions et un vote très partagé (40-60) favorable à la droite orthodoxe "synodale"  quand sont proposés des statuts-type pour les nouvelles associations. La minorité du Centre (libéraux) va créer peu de temps après un "Comité synodal d'Union " et proposer d'autres  statuts-type.

Au sein du conseil presbytéral ces deux tendances sont présentes et s'opposent au moment de choisir des statuts de la future l'association cultuelle alésienne.

La conseil presbytéral après deux séances sans résultat, ou chacun a présenté son modèle de statut, se réunit finalement en séance plénière, élargie aux diacres. Concernant le choix des statuts de la future paroisse le vote donne les résultats suivants : 11 voix pour les statuts dits d'Orléans (orthodoxes) : pasteur Poux, 4 conseillers et 6 diacres et 5 voix pour le Centre (libéraux) : pasteurs Lelièvre et Néel et 3 diacres  Il est à noter que 1 conseiller malade était  absent  et qu'il manque 1 voix de conseiller.

Ainsi au niveau du CP (mais pas chez les pasteurs !) la tendance orthodoxe l'emporte .

5 - La riposte de la tendance "libérale

• Le pasteur Néel par une  lettre circulaire du 15 Février porte sur la place publique et à la connaissance de tous les paroissiens les statuts proposés par sa tendance "libérale" avec les principes suivants:

- acceptation la déclaration de foi de 1872 mais refus d'une adhésion formelle imposée  à tous les membres (adhérents et électeurs) de l'Eglise.

-  la paroisse doit garder le dernier mot sur la nomination des pasteurs, sur la révision de ses  statuts et sur ses conflits internes.

-  refus de la création d'une caisse centrale pour les finances, qui ne servira qu'à attirer des paroisses pauvres .

• Le pasteur Poux de son côté va répondre par une lettre circulaire le 19 Février en précisant que :

- l'adhésion explicite à la déclaration de 1872 n'est valable  que pour les pasteurs

-  la caisse centrale permet la solidarité

- continuer  de respecter la tradition des Synodes permettra de protéger l'église contre des luttes doctrinales destructrices

6 - ­L'Assemblée générale du 25 Février 1906

Le Conseil presbytéral s'est mis d'accord à l'unanimité sur une liste électorale comprenant  toutes les personnes qui participaient aux frais de culte. La présidence est confiée à M. Maury, percepteur, M. Boissier, docteur, et M. Pic, diacre, cuisinier à Rochebelle

 La foule dans le temple est estimée à 800 personnes, dont beaucoup partiront sans voter. En face de M. Poux, qui s'est senti certainement très seul, il y aura 4 orateurs qui vont défendre, avec plus ou moins d'agressivité, les positions libérales.

 Le vote a lieu vers 18h, au moment de la sortie,  dans des urnes placées de chaque côté de la porte, (mais l'émargement n'a pas été prévu) et le résultat est à l'opposé du vote du Conseil presbytéral : 455 pour les statuts d'Union (M. Néel) et 110 pour les statuts d'Orléans (M. Poux). En même temps l'assemblée adopte à main levée une liste de 24 membres qui devraient participer à une Commission d'entente.

7 - La riposte des "orthodoxes

Pour M. Poux tout rapprochement est devenu impossible après cette "échauffourée" . Avec les sympathisants orthodoxes il organise le 1er Mars (réunion officiellement datée du 4 mars !) une assemblée générale (27 hommes et femmes, chez M. Villaret 16 rue Florian) qui vote les statuts de l'association cultuelle de l'Eglise réformée évangélique d'Alais, le renoncement à la commission d'entente et le choix comme pasteur-président de Victor Poux

 La nouvelle est officiellement annoncée aux libéraux de M. Néel le Dimanche 4 mars. Et le 5 mars l'association est déclarée à la sous-préfecture. Le 7 mars elle se rattache à l'Union nationale des Eglises réformées évangéliques de France.

- Le 25 mars: une A.G. dans le temple d'Alès permet la création de l'association cultuelle de l'Eglise réformée d'Alais (pasteurs MM. Néel et Lelièvre) déclarée  le 31 Mars   en sous-préfecture. Cette association se retire du Synode des Basses Cévennes et s'affilie le 23 Novembre 1906 à l'Union nationale des Eglises réformées, issue de l'assemblée de Jarnac (les paroisses de Vézenobres et Ners feront de même).

8 - Le recherche du compromis

D'autres problèmes plus matériels restent à régler sur Alès car ces deux associations cultuelles, dont l'une gère le conseil presbytéral et est incontournable officiellement, doivent décider

 • à laquelle seront dévolus les biens (dont l'usage du temple d'Alès) et les fonds d'origine charitable  de l'ancienne paroisse et comment se dérouleront  le catéchisme et  les cultes.

Après 5 réunions difficiles entre le 24/11 et le  5/12  une solution est enfin trouvée  : constituer une union d'associations dite "Union réformée d'Alès", rapidement déclarée le 8 décembre en préfecture. Dans la foulée est créée le 11 Décembre une Association de bienfaisance, déclarée d'utilité publique, pour récupèrer les biens d'origine charitable.

L'Union Réformée à pour objet  la  gestion du temple et de ses employés. Son bureau est pris par moitié dans chaque association culuelle, président et vice président sont alternativement pris dans chaque association. Ses 12 membres, dont 4 pasteurs,  sont choisis à part égale au sein des Conseils)

  Le règlement intérieur  permet surtout de se répartir l'usage du temple :

• Cultes - dimanche 9h à 10h30 (Eglise réformée)

- dimanche 10 h30 à midi (Eglise Réformée Evangélique)

- dimanche soir 20h : alternance mensuelle

- jeudi soir alternance mensuelle

• Premières communions : culte commun avec neutralité ecclésiastique

• Ecoles du dimanche et du jeudi : communes avec alternance annuelle

9 - La  période de la réconciliation

La démission de M.Lelièvre en 1916 (après 18 ans de ministère) et son remplacement par M. Babut (fils du pasteur Babut, de Nîmes), le décès en mai 1917 du pasteur Poux (après 33 ans de service), la Grande Guerre  et le départ de M. Néel (pour la Mission intérieure) en 1920 vont  dégager le terrain.

• En 1920 un essai de rapprochement entre les deux communautés est tenté mais sans se concrétiser (idée de Fédération entre les deux Eglises)

• En 1923-1924 un nouvel essai de rapprochement et la signature d’un protocole d’accord mettent en route l‘Union des Eglises Réformées d’Alais avec les deux communautés fonctionnant comme Eglise unique

- quatre pasteurs (deux  par  association cultuelle)

- un Comité directeur avec parité des membres, un seul culte et une seule Caisse

- registres paroissiaux communs etc..

Tout sera remis en question au moment de la formation de l'Eglise Réformée de France en 1938 qui va voir se recréer la séparation (cf : livre de M. Longeiret : Les déchirements de l'Unité )

                             Pierre Boissier (d'après les registres paroissiaux )